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Perte d’emploi et sentiment de culpabilité
- avril 17, 2025
- Publié par : Dominique CLAVIER
- Catégorie : Newsletters
Les situations de rupture, en général, et de perte d’emploi en particulier sont, en elles-mêmes, génératrices de sentiments d’échec et de culpabilité. Elles peuvent raviver des situations antérieures douloureuses et forcer des constats : «Je n’ai pas fait au moment souhaité ce qu’il fallait, je n’ai rien vu venir, je ne suis pas assez compétent, je ne me suis pas suffisamment formé : je suis coupable.» Le sujet vit un sentiment diffus d’indignité personnelle.
Ces sentiments d’échec et cette culpabilité sont-ils gérables ou au contraire parasitent-ils toute démarche et enferment-ils dans l’immobilisme ?
Être coupable c’est aussi se vivre comme responsable et si une personne se sent responsable c’est que, face à des événements écrasants, elle a encore une part d’action sur ceux-ci «elle y est pour quelque chose». C’est aussi pour elle-même, la preuve que l’expérience douloureuse à laquelle elle est confrontée n’a pas réussi, jusqu’à présent, à la détruire.
La culpabilité est un frein à la créativité et au dynamisme nécessaire pour affronter les situations de transition mais le terme «sentiment de culpabilité» ne doit être employé qu’avec réserve dans la mesure où le sujet peut ne pas se sentir coupable au niveau de l’expérience consciente. Nous devons respecter ce qui est vécu car ce vécu est chargée de sens.
Dans le cas d’une perte d’emploi, la culpabilité trouvera un support pour s’exprimer, se justifier sur les plans de la famille, de l’entreprise, de son métier, de son propre chômage ou de celui des autres, de soi ou de ses collègues, de ceux restés au Pays, de ses anciens professeurs, etc…
Trois raisons de ne pas confronter une personne avec son sentiment de culpabilité :
1- Aspect du fondement de la personnalité :
Le sentiment de culpabilité est un sentiment archaïque et profondément ancré dans la construction de la personnalité du sujet. Remettre en cause le raisonnement d’une personne sur ce type de sentiment peut être difficilement vécu. Nous sommes là sur une pratique dont le professionnel du conseil ne peut mesurer les effets.
2- Aspect du conseil en carrière :
Exprimer à son bénéficiaire qu’il n’y est pour rien ou qu’il n’est pas le seul dans cette situation ne peut être perçu comme une expression d’empathie sincère, mais plutôt comme de la pensée magique poussant à «oublier» et à passer à «autre chose» plus confortable à aborder dans l’entrevue.
3- Aspect clinique et systémique :
Le sentiment de culpabilité est une douleur qui peut sembler difficile à supporter et qui bloque toute possibilité de progresser vers une solution. Son expression a un sens : «Si je souffre c’est aussi un signe que la situation ne m’a pas détruit». En d’autres termes, «Ma culpabilité, c’est la preuve que j’existe encore» et «J’ai peut-être encore une part d’actions possibles pour faire face à ces événements écrasants».
Conclusion :
Dans ce contexte, le sens de l’expression de la culpabilité est une demande de reconnaissance de son existence. «Dites-moi que je ne suis pas détruit par ce que je suis en train de vivre» et répondre à cela «arrêtez de vous culpabiliser» c’est nier la culpabilité et prier la personne de passer à autre chose (qui nous semble plus confortable pour atteindre les objectifs visés en commun) mais c’est aussi, dans les faits, lui dire «arrête de vivre, arrête d’exister !»
Recommandation de pratique :
Ne pas nier la culpabilité mais surtout ne pas confronter la personne qui exprime ce sentiment… alors que faire ?
Reconnaitre la souffrance à partir de l’expression. Reformuler ce qui a été exprimé sans rien ajouter, sans interpréter ou évaluer. «Ce que vous dites actuellement c’est que vous ressentez de la culpabilité parce que …. C’est bien cela ? Je comprends… Vous vivez avec cela en ce moment…».
Et surtout… résister à la tentation de dire qu’il n’est pas utile de se culpabiliser ou qu’il n’est pas le seul dans cette situation ou qu’il ne faut pas se culpabiliser ! Ce serait envoyer le message «Vous êtes prié de ne plus exister». Reconnaître la culpabilité c’est reconnaitre que la personne n’est pas détruite, qu’elle a eu et qu’elle a encore un impact sur son destin.
L’étayage et la reformulation rigoureuse sont les atouts majeurs pour passer rapidement à des phases plus créatives.